« Comprendre  les rapports de genre et luttes féminines non-occidentales. ‘Genre relationnel’ et  ‘agentivité’ : deux outils théoriques indispensables »

ROSE NDENGUE. CESSMA, Université Paris 7.

Résumé : « Depuis le début des années 2000 un certain nombre de travaux remettent en cause une tendance du féminisme hégémonique français consistant à théoriser la différence sexuelle, ainsi que les concepts de domination masculine et de patriarcat de manière absolue. Ainsi conçus ces notions s’avèrent problématique pour rendre compte des expériences, rapports de genre ou luttes féminines non-occidentales, d’autant plus qu’elles s’articulent souvent avec impensé colonial. Les femmes non-blanches/racisées sont alors perçues comme écrasées par une domination masculine, un patriarcat, consubstantiels aux cultures non-occidentales.
S’inscrivant dans une perspective décoloniale proche de celle de  Saba Mahmood, cette communication vise alors à montrer qu’aborder les relations de genre d’«un point de vue relationnel[1]», en tenant compte de la complexité des enjeux de la notion d’agentivité, permet de rendre compte des expériences non-Blanches.
Dans ma recherche, l’analyse des rapports de genre sous l’angle du  point de vue relationnel – conçu comme une modalité des relations sociales – a permis de mettre en évidence l’existence d’une organisation sociopolitique complexe dans les groupes socioculturels africains. Chez les Nsaw, qui peuplent une partie de l’Ouest-Cameroun par exemple, la parentalité et le partage genré de la responsabilité qui en découle est la clé de la participation des femmes  l’organisation politico-religieuse, puisque les autorités politiques et religieuses ont une double dimension : masculine et féminine.
Par ailleurs, en suivant l’invitation de Saba Mahamood à recourir à l’agentivité comme une expression qui dépasse le cadre dichotomique consistant à appréhender les rapports sociaux en terme de domination et de résistance, j’ai pu démontrer que ce concept est heuristique pour analyser les activités de l’élite féminine proche du pouvoir autoritaire. En effet, bien que leur démarche apparait comme conservatrice, elle relève néamoins, d’un processus de subjectivation dont il est utile de saisir les enjeux en terme de participation à la construction nationale.
En somme, l’usage des deux outils évoqués ci-dessus, répond à l’invitation, faite  la sociologue Oyeronke Oyewumi, à se défaire de la tendance à adopter une vision surplombante, acquise par notre socialisation au sein de l’épistémologie occidentale majoritaire. Penser la théorie féministe en dehors de l’épistémologie occidentale dominante nécessite en effet de se décentrer de la pensée hégémonique produite sur les évènements, pour essayer de rechercher leurs « significations primitives »[2], et éclairer la diversité des lieux habités par les femmes, et d’où elles agissent. »

[1] (Barraud 2001) ; (Théry 2010)
[2] (Mbembe 2013)